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22 juin 2007

Rencontre avec Daniel Carton, l’homme qui dérange l’establishment des médias classiques ?

En ligne aujourd'hui sur Agoravox.

Très critique avec la presse politique d’aujourd’hui, Daniel Carton adresse un formidable message d’espoir et d’encouragement aux jeunes générations de journalistes qui utilisent Internet. Et il le fait au travers de son dernier ouvrage, "Une campagne off", curieusement ignoré par la plupart des médias français avec lesquels il a pourtant collaboré pendant plus de vingt ans! Je suis allée le rencontrer en tentant ainsi mon premier podcast vidéo en tant qu’intervieweuse...



Qui est Daniel Carton ?

Daniel Carton a été un journaliste politique très respecté au "Monde", où il a travaillé pendant dix ans, et aussi au "Nouvel Obs". Désabusé par les innombrables connivences entre politiques et médias, il a quitté définitivement le journalisme en 2002 pour se consacrer à l’écriture.

Daniel Carton est un journaliste que je voulais absolument rencontrer il y a environ deux ans, après avoir lu "S’ils savaient à Paris : ce que la France d’en haut ne voit plus" (Albin Michel, 2005) ainsi que le désormais culte "Bien entendu... c’est off" (Albin Michel, 2003).

Ces livres dénonçaient avec véhémence les verrous du système politique, les phénomènes de cour, les collusions politico-médiatiques.

Avec mes amis militants de l’époque, pleins d’idéaux, nous comprenions enfin l’envers du décor et, armés de ce témoignage, nous allions aborder de manière différente notre engagement politique : ne pas répéter inlassablement les mêmes travers et tendre la main aux jeunes des autres partis pour avancer ensemble avec des pratiques renouvelées.

Voici par exemple un extrait, de "Bien entendu... c’est off", écrit en 2003, qui m’avait beaucoup marqué à l’époque et qui n’a pas pris une ride :

"J’ai compris à partir de ce jour que la politique était d’abord l’art de se servir des médias. Le tutoiement entre politiques et journalistes, cet insupportable tutoiement, devenu signe de ralliement d’une caste, assurance tous risques et gage de compréhension mutuelle. Ah ! la belle affaire, paraît-il. Je tutoie, tu tutoies, nous nous tutoyons. Pas devant micros et caméras, ah ! ça, non, surtout pas. Jamais ! Il faut que le "tu" reste entre soi. Le peuple requiert quand même quelques mises en scène. Ainsi un Grand Jury RTL-Le Monde, rendez-vous politique du dimanche soir si prisé. Vous venez dans les studios une demi-heure avant. L’invité arrive, on se tutoie. Pendant les pages de pub, on se tutoie. Après l’émission, pendant la collation où tout le monde se pousse autour de l’invité pour lui dire que, décidément, il est le meilleur, on se tutoie.

Tout à coup la petite lumière rouge du direct s’allume : on se vouvoie. Pareil sur Europe 1, sur n’importe quelle radio, sur tous les plateaux de télévision. Pareil aussi pour les interviews dans les journaux. On dit "tu", on écrit "vous". Petite gymnastique facile, entendue par avance. Tours de passe-passe convenus qui ne gênent personne. Tout le monde, dans ce milieu, finit par tutoyer tout le monde, et le comble, c’est que si vous ne le faites pas, vous passez pour un bégueule, un pisse-froid, entre autres amabilités. (...)

Ainsi averti, je n’ai pas eu trop de mérite à ne plus retomber dans le panneau. Et pourtant, les spécialistes du tutoiement sont légion. À gauche comme à droite. Le champion toutes catégories étant sans conteste l’actif Sarkozy. On voit où cela l’a mené. On conçoit qu’il ait fait des émules chez ses pairs. Avant d’avoir des idées, il s’est mis à tutoyer tout le monde, tout le temps, en tout lieu, sauf évidemment à la radio et à la télé. Sans jamais se poser de questions. Il me recevait : "Bonjour, comment vas-tu ?". Je répliquais invariablement : "Bien et vous-même ?". Cette réponse suffisait pour imposer le vouvoiement dans nos échanges mais ne suffisait pas à éviter qu’il recommence le même cinéma la fois suivante, dans l’espoir que, de guerre lasse, vous vous laissiez prendre à son stratagème. "

Quatre ans après, suite à cette campagne présidentielle passionnante, Daniel Carton persiste et signe en publiant, toujours chez le courageux Albin Michel, "Une campagne off". Je fonce l’acheter et j’ai pas été déçue. J’ai aimé retrouver les sensations que j’avais pu vivre, m’immerger dans les campagnes des autres candidats : enfin un témoignage sur ces citoyens que j’avais vus de mes yeux se rendre aux meetings pour se forger leur propre opinion et dont la presse n’a quasiment pas parlé. Chaque jour, à la manière d’un blog, ce carnet de route dépeint l’actualité de la campagne, l’ambiance, les meetings et la campagne de l’intérieur, tantôt au milieu de la foule, tantôt au sein de la caravane de la presse qui suit les candidats.

Tout naturellement, j’ai commencé à chercher diverses critiques sur ce livre qui m’a vraiment passionné. Rien, quasiment rien dans la presse. Je lance désespérément des requêtes sur Google Actualité et sur Wikio et je ne trouve que très peu de résultats, souvent une même affligeante dépêche reproduite dans chaque journal... Etonnant pour quelqu’un avec le profil de Daniel Carton. Je m’interroge. Pourquoi un tel silence sur ce livre qui, selon moi, mérite d’être lu ?

Pourquoi Daniel Carton dérange tant ?

Parce qu’il continue à dénoncer les mauvaises méthodes de travail des journalistes phares "planqués" dans leurs bureaux pendant que les jeunes journalistes jouent la course contre la montre chaque soir en changeant de ville, sans pouvoir prendre du recul au sein de la caravane de la presse ?

Parce qu’il dit que Nicolas Sarkozy est lui-même un informateur du "Canard Enchaîné" ?

Parce qu’il dénonce une trop grande proximité entre certains journalistes et certains politiques ?

Pour quelles raisons ce livre lui vaut un procès et une demande de 90.000 euros d’indemnisation ?

Sur ce dernier point, comme nous le rappelle avec ironie ce récent article de Bakchich sur AgoraVox, "ce petit goujat [de Daniel Carton] s’est permis de faire passer trois honorables consœurs pour des ’groupies militantes’ de Ségolène Royal [les trois sœurs Brontë du journalisme français]. Tout cela pour avoir raconté comment les trois mistinguettes, Isabelle Mandraud (Le Monde), Françoise Degois (France Inter) et Ilana Moryoussef (France Info) ont, avec des yeux de Chimène, couvert la campagne de la madone du Poitou. (...) Et comment résister à citer la confession de l’une d’elles, que, conscience professionnelle oblige, le doute assaille : si les gens découvrent que ce n’est qu’une bulle, nous, les journalistes, allons encore en prendre plein la gueule ".

D’ailleurs, un des rares articles parus dans la presse est signé par "Le Monde" (dans la version en ligne uniquement). En réalité, il ne s’agit que d’une reprise de dépêche AFP qui nous signale laconiquement que Carton est assigné pour son livre par ces trois journalistes... Curieusement, cette dépêche, on ne peut même pas la retrouver via le moteur de recherche du "Monde"... Ca valait le coup de travailler dix ans chez eux pour un pareil traitement... "Le Nouvel Obs" a été un peu plus magnanime en accordant à Carton, un chat avec les internautes... Même le "grand" Jean-Marc Morandini nous donne une belle leçon de journalisme en reprenant cette dépêche, sans citer la source et en donnant ainsi l’impression que c’est quelque chose qu’il a lui-même écrit sur son blog pour ses lecteurs... Et pourtant, Morandini nous a récemment donné un cours magistral de journalisme en attaquant AgoraVox, en direct sur "Bolloré TV", et en nous expliquant que le journalisme citoyen "n’avait pas de déontologie et c’était du n’importe quoi"...

L’espoir grâce aux opportunités offertes par Internet

Cela étant dit, consterné par cet état des lieux inquiétant sur le professionnalisme au sommet des grandes rédactions parisiennes, Daniel Carton adresse aux nouvelles générations de journalistes, mais aussi de politiques, un véritable message d’espoir qu’il détaille dans la vidéo. Internet est une opportunité miraculeuse pour nous tous et permet enfin de tourner la page de ces vieux schémas traditionnels pervertis !

Avec Internet et la fédération des énergies et talents de notre génération, plus rien ne sera jamais comme avant !

Merci à lui pour ce témoignage vidéo qui nous pousse à être encore un peu plus conscients et vigilants. Nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas, nous avons enfin les yeux bien ouverts sur la réalité mais aussi sur la chance que nous avons de vivre cette époque formidable !

Merci à Pierre Abbruzzini, rédacteur d’Agoravox avec qui j’ai réalisé cette interview "coopérative". Et merci à Agoravox de nous permettre de donner notre point de vue sur une actualité qui n’a pas fait trois lignes dans nos journaux !
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J'en profite pour vous signaler un intéressant en ligne hier, mis sur Blogonautes "Le webmaster de Matignon efface Vanneste d'une photo de la visite de Fillon dans le Nord".