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23 octobre 2008

Ce que je pense du Taser X 26 ou pistolet à électrochocs (cinquante mille volts)

Quelques faits ou questionnements sur cette arme censée être non létale (c'est comme ça qu'elle est "vendue", elle sauve même des vies ;sur le site de Taser ;-), autres points de vue par exemple sur le site de RAIDH, il faut être équitable dans les sources d'info), puis une conlusion personnelle.

1. L'ONU a rendu en 2007 un avis défavorable au Portugal l'assimilant à une arme de torture: Pour le Comité de l'ONU, composé de dix experts indépendants, non seulement "l'usage de ces armes provoque une douleur aigüe, constituant une forme de torture", mais il peut aussi "dans certains cas (...) causer la mort, ainsi que l'ont révélé des études fiables et des faits récents survenus dans la pratique". Le Comité a émis cet avis dans des recommandations délivrées vendredi à l'Etat portugais, qui a acheté des armes électriques 'Taser X26' destinées à différents corps de police, et qui est invité à y renoncer ; mais à travers le cas portugais, l'avis vise, beaucoup plus largement, les Etats utilisant ou envisageant de recourir à ce type de matériel "dont les conséquences sur l'état physique et mental des personnes ciblées seraient de nature à violer" les dispositions de la Convention anti-torture de l'ONU. Ici.

2. Comment l'arme a t'elle été choise en France ?

A priori de manière unilatérale, le Président de la République française, alors ministre de l'intérieur annonçant à des policiers en réunion publique sa future utilisation un an avant l'appel d'offre. Elle est pas belle la vie ?

3. Comment est contrôlée l'utilisation de cette arme ?

Par des notes décrivant des procédures d'instruction émanant des ministères concernés : Intérieur (police) et Défense (gendarmerie). Il y est décrit que les armes Taser X26, classés 4 (fusil à pompe...) doivent servir dans 2 cas : légitime défense, et en cas d'extrême nécessité. Or il semblerait que selon les informations de 2006, 1ère année d'utilisation en France par les gendarmes, ces armes ont servi pour ces deux cas prévus à hauteur de 17 % de leur utilisation. Quid du reste des utilisations des 83 % restant ? Si les ministères concernés ont d'autres chiffres plus à jour, je suis preneuse.

4. L'utilisation d'une arme à feu est soumise à des enquêtes de l'IPGN et de l'IGS. L'utilisation du Taser X 26 est-elle soumise aux mêmes règles ? NON. Pourquoi ?

5. L'arme Taser est-elle co-responsable de cas mortel ? L'entreprise Taser se glorifie de n'avoir jamais été condamnée, il semblerait que ce soit faux. Elle a été condamnée à hauteur de 6 millions de dollars en juin dernier par une cour en Californie. [Edit le 4/11/2008 : le jugement aurait été annulé selon Taser France. A suivre de très près. Le même jour, un deuxième cas mortel en une semaine au Canada  à Calgary selon France Info]

Federal jury awards $6.2 million in Taser death lawsuit

SAN JOSE, Calif. (AP) - A federal jury in San Jose has awarded $6 million to the family of a Salinas man who died after police officers repeatedly shocked him with Taser stun guns. The jury on Friday found that Taser International of Scottsdale, Ariz., was responsible for the death of 40-year-old Robert Heston Jr. He died on Feb. 20, 2005, a day after police officers shocked him with tasers as many as 30 times while trying to subdue him at his father’s home. A friend had called 911 to report Heston was behaving violently.

The jury found that Taser International had failed to warn police that its stun guns could be dangerous when used on people under the influence of drugs or in conjunction with chest compressions. An autopsy found that Heston died from a combination of methamphetamine intoxication, an enlarged heart due to long-term drug abuse, and Taser shocks.

Conclusion

A la vue de ces divers éléments, je demande l'ouverture d'un débat parlementaire sur le sujet qui définirait plusieurs points.

1. Avant tout, je demande l'arrêt immédiat de l'utilisation du Taser X 26 en invoquant le principe de précaution (qui nous est si cher en matière environnementale). Une étude réalisée par des acteurs indépendants doit être réalisée sur l'impact réel de l'utilisation du Taser sur le corps humain, au niveau sanitaire et au regard des droits de l'homme. Il n'est pas dans mon propos de ne pas armer la police, mais bien de l'aider à trouver les meilleurs outils pour assurer sa mission, de ne pas encourager le "sur-équipement" inutile (j'ai croisé un policier la semaine dernière qui avait une arme à feu et un Taser, l'un à droite, l'autre à gauche), et de ne pas  placer  les forces de l'ordre en face de dangers dont ils n'auraient pas été prévenus des conséquences pour la personne qu'ils interpellent et pour leur propre responsabilité, et enfin, qui ne soit pas adapté à la réalité du terrain et de leur type de mission).

Si la France décidait de l'utiliser après cette étude et ne tenant pas compte de l'avis de l'ONU,

2. Quels sont les services ayant la possibilité d'utiliser le Taser X 26 (services d'élites, police nationale, gendarmerie, police municipale) ?.

3. Quelles seraient les procédures et l'encadrement de son utilisation en amont ? Quels seraient les cas où cette arme est utilisée ?

4. Ensuite, en aval, et en phase post utilisation, quel encadrement ? Il me semble juste la mise en place d'une formalité systématique à l'instar de l'utilisation des armes à feu à présent.

Enfin, je m'interroge sur les capacités de la justice à protéger les parties prenantes civiles et associatives contre des procédures en diffamation abusives qui aurait pu bailloner ces mêmes représentants de la société civile qui cherchaient à alerter l'opinion et la classe politique sur un sujet. Quand on voit les méthodes de lobby, de procédures abusives puis d'intimidation, on peut s'interroger sur la protection des citoyens. Les Etats-Unis sont mille fois plus avancés que nous sur le sujet. Rappelez-vous Ralph Nader entre autres, et tous les procès gagnés contre certaines entreprises. Se pose la question des class actions, de la peur, de l'intimidation, de notre capacité à fédérer des citoyens. Ce qu'il nous manque ? Toujours un peu de courage. Mais on va se réveiller, d'ac ? ;-).

Pour clore ce sujet très sérieux qu'on peut traiter avec humour (et apprendre par la même occasion), l'excellent sketch de Stéphane Guillon sur France Inter :