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24 juin 2008

Campagne de pub du gouvernement : un bon cas pratique sur la communication au 21ème siècle, l'exemple des huiles de tournesol

Drôle d'époque que la nôtre. Drôle de métier que la communication. Je peux en parler un petit peu avec vous. C'est mon métier, ma formation.

A part l'économie substantielle, en pleine "rigueur" que le gouvernement aurait pu faire en évitant cette campagne de pub, je ne conteste pas cette idée, puisque le gouvernement se sert des moyens que notre société a mis à sa disposition. C'est bien là le problème.

Qu'avons nous induit comme effet pervers ? Que ce soit pour le gouvernement, ou pour les entreprises qui font défiler leurs messages sur nos écrans de pub, dans nos journaux, toutes ces personnes pour qui nous travaillons. Un seul son de cloche, un seul message qui voudrait nous apprendre une vérité : un espace acheté. Le consommateur, l'utilisateur lui peut toujours en penser quelque chose, on ne le saura pas. Le produit est nocif pour notre santé, il détruit les énergies fossiles, il fait crever de faim la moitié de la planète, il ne reflète pas la réalité ? Qu'importe, ce n'est pas dit dans le message. Le BVP ? Je préfère me taire et passer à l'aspect positif.

Et là arrive internet. Des millions de blogs, de forums où chaque jour des consommateurs peuvent enfin dire ce qu'ils en pensent. Bien sûr, ce n'est pas sur TF1, mais c'est tant mieux. Le bouche à oreille fonctionne à plein. Des petits produits sont recommandés par les uns, par les autres. C'est la fin de la main mise des communicants, de Thierry Saussez par exemple sur nos espaces de cerveaux disponibles (comme Sarko on en a plusieurs, au moins 2;-). Le gouvernement pourra acheter tous les spots qu'il voudra (comme si les temps de paroles CSA+Elysée ne lui suffisaient pas), il ne nous empêchera pas de nous exprimer, de confronter nos points de vue sur son action. C'est terriblement triste pour eux, tellement, qu'ils ont une trouille bleue d'internet. Verrouillage du web, riposte graduée, ça vous dit quelque chose ?

Allez, tant qu'on y est on va faire un petit exercice pratique. Dans le domaine de la grande distribution et des huiles de tournesol.

Voilà. Moi, je trouve ça chouette internet, en 2008, il y a un réinstauration du rapport de force. De la collusion, il y en a, oui, mais de tous les côtés. Des réseaux. Certains ont de grands moyens financiers, d'autres moins, mais le rapport de visibilité et de détention de la vérité a changé (cf ma note sur Euro RSCG et Wikipédia du 10 juin dernier par exemple). C'est une bonne et grande nouvelle ! Et vous savez grâce à qui ? A vous ! Merci donc aux acteurs de la Toile !

Donc l'exercice pratique de ce soir, voilà de la VRAIE pub web 2.0 ! Ici, un article que j'avais lu dans le Canard, repris par Raffa et plein d'autres blogs. Comme Raffa, je précise que selon la selon la DGCCRF, la santé des consommateurs n'est pas en danger.

"Achetées en Ukraine, 40000 tonnes d'huile de tournesol coupée au lubrifiant pour moteur ont été distribuées en Europe. Et les produits concernés n'ont pas du tous disparu des rayons français.

Depuis le 5 mai, de mayonnaise, des plats cuisinés, de la vinaigrette industrielle, des conserves à l'huile, etc… préparées avec de l'huile de moteur sont en vente dans les grandes surfaces. Et ce avec la bénédiction des pouvoirs publics et de la Commission européenne. Bien sur, le consommateur n'a pas été informé…

Officiellement, tout commence le 21 avril dernier, quand le groupe Saipol, numéro un français de la transformation des oléagineux et accessoirement propriétaire de Lesieur, prévient la Répression des Fraudes que son usine de Sète, où est raffinée de l'huile de tournesol brute, il y a un sérieux pépin. Une grosse rasade d'huile achetée en Ukraine est farcie à l'"huile de moteur", huile minérale dérivée d'hydrocarbure. Et pas qu'un peu : d'après nos informations, sur 2800 tonnes d'huile apparemment irréprochable, livrées en France, 19 tonnes auraient mieux fait d'aller graisser des rouages et des pistons que des gosiers. Deux jours plus tard, la France informe officiellement ses voisins européens : cette cargaison fait partie d'un énorme lot de 40000 tonnes, qui a atterri non seulement en France, mais aussi aux Pays-Bas, en Italie et en Espagne. Et c'est tout le lot qui a été trafiqué ! De quoi, pour les escrocs, se faire du beurre : sachant que la tonne d'huile de tournesol brute est vendue 1800 euros et que d'après les confidences d'un fonctionnaire de la Commission européenne, ce sont en tout pas moins de 280 tonnes d'huile de moteur qui ont été introduites en douce dans les containers, les margoulins d'Ukraine ont empoché un bénéfice de 504000 dollars (moins ce qu'ils ont déboursé pour l'huile bidon, certes, mais celle ci coûte des clopinettes).

A partir du 26 avril, la Commission européenne et la répression des fraudes rendent publique l'alerte. Officiellement, l'huile de tournesol frelatée mise en bouteilles et les plats préparés à partir de cette mixture ont tous été retirés des rayons et "n'ont pas atteint le consommateur". Fort bien, mais, au fait combien de lots ont été retirés en tout ? Questionnée par "Le Canard", la DGGCRF, autrement dit, la Répression des fraudes, explique que "compte tenu du nombre d'entreprises concernées, il est impossible d'en connaître le nombre exact". Chez Carrefour Promodès, enseigne qui possède la moité des grandes surfaces alimentaires en France, on admet du bout des lèvres avoir retiré pas moins de… 200 produits concernés !

Bref, tout baigne. Sauf qu'il reste un léger problème : Saipol, la maison mère de Lesieur (laquelle marque a fait répondre au Canard par son agence de com' qu'elle n'était "en rien concernée"), a reçu sa cargaison d'huile frelatée fin février. Et n'y a vu que du feu. Jusqu'à ce qu'un mois plus tard un industriel du nord de l'Europe, destinataire du même lot, l'informe après analyse que quelque chose clochait dans l'huile de tournesol ukrainienne . Et ce n'est qu'un mois plus tard que Lesieur a enfin sonné l'alerte auprès de la Répression de fraudes. La question qui se pose est cruciale : combien de produits assaisonnés à l'huile frelatée ont été conditionnés et commercialisés entre-temps ? Saipol reconnait avoir raffiné l'huile en question pour la vendre ensuite à "une trentaine de clients de l'industrie agroalimentaire" Parmi lesquels on trouve Saupiquet, Unilever (propriétaire de Knorr, Magnum, Fruit d'Or, Miko, Planta Fin, Amora…) mais également Carrefour Promodès et Auchan. Ainsi, on peut trouver cette huile de moteur dans des batonnets de Surimi, du cèleri rémoulade, de la soupe de poisson en conserve, du poisson pané, des paupiettes de veau, du thon et des sardines à l'huile, mais aussi dans la pâte à tartiner chocolatée, le blé pour petit déj', les gauffrettes à la confiture, les barres céréalières et sucrées pour les enfants, les cookies et bien sur la mayonnaise, le tarama, la sauce béarnaise et enfin de la sauce vinaigrette">1 , dont il refuse de citer les noms. Mystère et salade verte. […]

Mais il y a plus sérieux : contrairement à ce qu'ont d'abord assuré la Commission européenne et les pouvoirs publiques français, tous les produits additionnés d'huile contaminés n'ont pas été retirés des rayons. En effet, le 2 mai, la Commission européenne s'est fendue en catimini d'une recommandation autorisant la vente de tous les aliments contenant moins de 10% d'huile de tournesol frelatée. […]

Comme l'admet la DGCCRF dans une note adressée au Canard, le 7 mai, "en l'absence de toxicité aiguë", tant pis pour les mayonnaises et autres petits plats déjà vendus. "Aucun rappel" n'a été effectué .[…]"

Des infos chez Raffa. Et chez Tann Skaya qui fait une belle revue de web.

Et parce qu'ici, on aime le pluralisme de l'information, les explications de Lesieur, himself, qui manifestement a bien du mal à ne pas effacer les commentaires déplaisants. Amis du web 2.0, allez-y faire un p'tit tour !

Voilà cet exercice terminé, j'en conclus que, petit à petit, on entre dans la communication du 21ème siècle, le siècle de la recommandation, de la longue traine, des nouveaux rapports de force, des nouveaux métiers, des nouveaux rapports à la consommation. It's time. Et vous savez quoi ? On va le faire et le vivre ensemble.

J'en profite pour rappeler à celles et ceux qui ont oublié de signer la pétition contre la riposte graduée de SVM.