Avant hier, j'allais à un rendez-vous avec un de mes vieux amis. Je me suis perdue dans le quartier. J'arrive "Place André Breton, écrivain, poète, théoricien du surréalisme".
Quelques jours auparavant, un autre ami m'offrait la fameuse citation d'André Breton "Je ne veux pas changer la règle du jeu, je veux changer de jeu."
C'était un signe. Cette phrase que j'avais faite mienne quelques jours plutôt, celle qui décrivait le mieux les choix que je m'étais imposés, se rappelait à mes yeux alors que j'avais l'impression de m'égarer.
Vous m'avez tant manqué. C'est dur de rester silencieuse, de se bâillonner, de ne pas partager ces moments de doutes Mais c'était nécessaire. Remettre en perspective le sens de mon engagement, ses diverses formes et l'état de notre société, du monde. Prendre des forces, se ressourcer, choisir un nouveau chemin.
Cent fois je vous ai écrit, cent fois je n'ai pas posté mes notes.
Je devais être candidate aux européennes, me soumettre aux procédures d'investiture, et, si les adhérents m'avaient accordé leur confiance, il est probable que j'aurais été élue. Et d'ailleurs, je souhaite que le Modem fasse un excellent score car je connais son attachement sincère à l'Europe.
Et... je n'ai pas candidaté. Pour mille et une raisons que je ne développerai pas ici.
Une seule compte à mes yeux : je ne veux pas passer de l'autre côté. Pourquoi une jeune femme, passionnée de l'action citoyenne et politique refuse-t'elle d'être élue, d'exercer un mandat, des responsabilités ?
Parce qu'elle a peur. Oui. De se perdre. De perdre l'essence même de son engagement. J'ai vu tellement d'élus changer, se perdre.
Peur de mentir aussi. A moi d'abord, aux autres. Peur de demander à d'autres citoyens de voter pour moi alors que je sais que je n'avais pas les leviers d'actions nécessaires pour accomplir ma mission. Personne ne les a en vrai. Notre élite n'a rien vu venir, n'a pas anticipé, ils sont tous en train de courir derrière un monde devenu fou.
Je refuse de faire des promesses que je ne pourrai tenir.
Je refuse de porter sur mes épaules l'image d'une classe politique dont je n’attends plus rien moi-même. Pas tous évidemment, mais ce que le système en a fait.
Je ne veux pas devenir comme eux. Je ne veux pas cautionner leur système, je ne veux pas être un alibi jeune dans un milieu qui méprise, depuis 30 ans, notre génération et celles qui arrivent. Eux qui décident à notre place, à qui nous avons délégué bien trop, et qui fatalement nous déçoivent tellement.
Je ne veux pas faire perdurer un système qui ne peut, ni ne veut se réformer.
Seule, je serai broyée. Comme les autres (les chantres du non cumul, les amoureux de la 6ème République, tous vaincus, terrassés par le système). Changer le système de l'intérieur, je n'y crois pas. Je n'y crois plus. Plus on se débat à l'intérieur, plus on le renforce. C'est l'histoire de l'opposition d'aujourd'hui. C'est fou.
Donc changer de voie. Décrocher. Penser différemment, sortir du cadre.
Se donner les moyens de faire de la politique comme nous le voulons. Se donner les moyens de construire l'alternative. Se donner les moyens de la transition que seuls nous pouvons prendre en charge. Ca n'existe pas ? Très bien, inventons !
Je salue le combat de François Bayrou et des adhérents courageux du Mouvement démocrate qui luttent sans merci pour offrir à la France le pluralisme et la diversité nécessaires à une autre vision pour la France. Ils sont mes compagnons de route, mais je ne peux plus longtemps être séparée par des querelles d'étiquettes des forces libres d'autres sphères. Les cartes des partis ne représentent rien pour moi, je n'en veux plus, seuls les gens comptent. Nous sommes tellement nombreux à la base de ces mouvements à vouloir travailler ensemble. Pourquoi accepter d'être instrumentalisés, envoyés sur les marchés comme dans les lignes de front des batailles moyenâgeuses ? Parce que la politique partisane d'aujourd'hui est un entonnoir à l'envers, une pyramide qui broie tout sur son passage, les gens, leurs convictions, leur idéaux, leur amour des autres.
Les partis. Les chantres de la démocratie, ses représentants, son incarnation, les champions de la fraude démocratique interne. Rappelez vous les motions du PS. On nage en plein cauchemard. Quel crédit aujourd'hui, quel crédit demain ? C'est à eux que nous donnons les clés ? Ce prime time l'autre soir, un immense malaise m'a envahit : dans quelle République sommes-nous ?
Je reste plus que jamais à vos, à leurs côtés, femmes et hommes libres de tous horizons, en premier lieu les "Jeunes libres, les "Adhérents sont notre force", ce fut un honneur de faire de la politique avec vous, pour vous. C'est pour rester en cohérence avec nos combats que je ne peux aujourd'hui passer de l'autre côté de la barrière.
Je ne suis pas une femme d'appareil, et je ne veux pas cautionner notre système politique actuel, notre démocratie malade Certains choisissent ce chemin et je le respecte plus que tout, il n'est plus le mien. Je souhaite garder ma liberté de ton et d'action. Les luttes électorales ne font que diviser les bonnes volontés et les forces qui sont, elles seules, capables d'inverser le cycle inéluctable que nous avons entamé il y a des dizaines d'années.
Ces forces, c'est vous, c'est nous.
Ces forces sont des femmes et des hommes libres, dans la société civile, dans des entreprises, dans des partis, dans des syndicats...
Ces femmes et ces hommes libres sont connectés, il faut accélérer ces connexions, ces synergies, ces créations de richesses, ces échanges culturels, ces mutualisations, ces nouveaux mondes, ces nouvelles règles du jeu, économiques, financières, sociales, médiatiques, environnementales.
Nous sommes les seuls à pourvoir prendre en main la phase de transition, ce passage à une nouvelle société. Et nous avons besoin de certains de nos aînés, prêts à nous accompagner et à nous transmettre leurs valeurs.
Je n'ai plus le temps de régler mes comptes avec la génération politique au dessus de la notre. Plus le temps de quémander des places pour des gens porteurs d'idées nouvelles. Trop de gens biens en bas des partis. Trop de nazes à l'Assemblée qui squattent depuis 30 ans. Ils n'ont pas voulu de nous. Quelques soient notre âge, notre couleur de peau, nos origines culturelles, notre sexe. Ils se protègent. Aujourd'hui c'est trop tard. Nous sommes ailleurs, partout, dans la rue, dans le métro, dans les bars, dans leurs maisons, dans des bureaux, dans des facs, à l'étranger.
J'éteins ma télé. J'arrête le fil AFP. J'arrête de hurler, d'être choquée, de dénoncer, d'être divisée. Ils vont plus vite. Avec leurs armes, ils ont déjà gagné. Des moyens médiatiques surpuissants. Pour nous endormir. Pour nous disperser. Pour décider à notre place.
Ne plus rien déléguer. Agir, faire, nous même. Ne plus compter sur eux, ils font ce qu'ils peuvent avec leur compréhension du monde. Compter sur nous. Moi, je compte sur vous.
Se concentrer. Sur ce qui est possible. Là où nous avons la main. Sans compromis. En commençant par remettre tout en cause. A peser à chacun de nos actes. Se souvenir qu'au delà du bulletin, nous avons mille façons d'exercer le pouvoir : notre consommation, nos médias aussi, et notre temps libre, que nous passons à nous connecter. A sortir du cadre. A inventer ce qui n'existe pas.
A ne plus faire de compromis. A ramer dans chacun de nos actes dans le même sens. A être le plus cohérent avec ce que nous voulons de meilleur pour nous et pour le monde.
Je suis aux côtés des millions de femmes et d’hommes qui sont en train de construire la transition, en inventant de nouvelles entreprises, de nouvelles banques, de nouveaux lieux d’échange. Dans nos immeubles, dans nos quartiers, dans notre pays, dans le monde.
Je ne veux pas du grand soir. Je veux des petits matins qui changent, concrètement. A trois, à 10, à 20, à 100, à mille, à dix mille, à 500 000, à des millions.
Nous sommes le changement. Personne ne peut accepter de le voir, d’en prendre conscience, de prendre ses responsabilités, à part nous.
Nous allons conduire ce changement. Toi, vous, nous.
Sous des formes complètement différentes, mais cohérentes, dans la plus grande diversité.
Nous ne cèderons pas puisque nous n'avons rien. Nous ne cèderons pas puisque leurs médailles en chocolat, leurs décorations sont issues d'un système dont nous ne voulons plus.
Nos énergies, nos neurones, nos forces, qui mutualisées, font reculer l'inertie, ce qui nous semblait hier encore immuable.
Nous sommes les héritiers des femmes et des hommes libres des millénaires passés, qui nous ont tout enseigné.
Soyons en digne.
Soyons digne des enfants que nous mettons au monde. Soyons digne des générations futures.
Résister c'est créer, créer c'est résister.